KALI

L’homme est un chercheur éternel de l’Éternel. Malgré son intérêt cyclique dans le domaine des sciences physiques et psychologiques, et dans celui des théories socialistes et sociologiques, l’homme est obligé, en chaque âge, de se tourner vers la recherche intérieure de l’Éternel.

Cette recherche est aussi difficile et contraignante qu’elle est aventureuse et satisfaisante. Elle est difficile en raison de nos désirs sensuels et de nos ambitions qui nous éloignent de nos désirs spirituels. Elle est contraignante en raison de notre faim spirituelle qui nous pousse toujours à rechercher cet Éternel. La vie spirituelle est une aventure qui comporte de nombreux risques de perdre tout ce qu’on peut appeler sien. La fin est un accomplissement sans limite, comme un torrent de montagne qui, après un long parcours ondoyant à travers des paysages variés, se confond avec la mer. L’océan d’Existence-Connaissance-Félicité absolues existe. Le courant de vie devrait le chercher avec toutes ses gouttes et, finalement, se fondre dans l’océan.

Dieu qui est Existence-Connaissance-Félicité absolues, est à la fois avec forme et sans attributs. Ce qu’il est et ce qu’il n’est pas restera toujours au-delà de notre compréhension. Il se révèle parfois, à sa façon, il suit l’attitude et l’approche de l’adorateur. Il devient le Père, la Mère, l’Ami, le Bien-Aimé, ou tout autre aspect que le chercheur lui demande. Ces diverses attitudes ne sont que des modes de pensées que le chercheur utilise pour canaliser son amour débordant et son affection pour Dieu. Les modes de pensée que prend Dieu viennent de sa grâce infinie. Pour aider le chercheur de Dieu, Dieu n’a pas besoin d’être le Père sévère qui rend la justice pour punir le méchant et enseigner le droit. Il peut aussi être la Mère tendre qui donne naissance à ce cosmos, le nourrissant et le soutenant, jouant avec ses créatures et accordant la paix et le bonheur à ceux qui le demandent. Ainsi, le Suprême peut être adoré soit comme Père, comme Mère, ou de toutes les manières qui conviennent au tempérament de chacun.

Dakshineswar
Dakshineswar

L’hymne à Kali le présente d’une façon négative.

« Vous n’êtes ni une jeune fille, ni une femme, jeune ou vieille. Vous n’êtes ni féminin, ni masculin, ni eunuque. Vous n’êtes ni dieu, ni démon, ni être humain, homme ou femme. Vous êtes Un sans second, réalisé comme le Brahman Suprême. »

Pouvons-nous adorer Dieu comme Mère ? Le Védanta permet l’adoration de l’Esprit Divin sous des formes variées. Il n’y a, en conséquence, rien d’anormal à adorer Dieu comme Mère. Exactement comme le bébé qui est soigné et nourri par sa mère, de même Dieu crée, supporte et nourrit tous les êtres. Voir Dieu comme Mère est la manière la plus naturelle. C’est aussi une attitude plus sublime et durable. Il y a une liberté et une spontanéité plus grande dans la relation d’un dévot avec Dieu en tant que Mère. Comme le dit Sri Ramakrishna, un enfant peut forcer sa mère comme un dévot peut forcer Dieu pour obtenir ce qu’il désire. Aussi longtemps que l’enfant joue avec ses jouets, la mère reste occupée à ses travaux ménagers. Mais quand l’enfant jette ses jouets et appelle sa mère, celle-ci éteint la cuisinière et court vers l’enfant. Cette belle analogie illustre bien le lien très fort qui existe entre le divin conçu comme Mère et le dévot.

Sri Ramakrishna
Sri Ramakrishna

La conception de Dieu en tant que Mère prédomine en plusieurs pays. En Égypte, elle était appelée Isis, en Babylonie et en Assyrie Ishtar, en Grèce Demeter, et en Phrygie Cybèle. Les Romains l’adoraient pour avoir la victoire dans la guerre, et il semble qu’ils aient déclaré qu’elle était la Mère des dieux. Comme vous le savez, les catholiques vénèrent la Vierge Marie. La cathédrale où les gens se rassemblent en foule à Lourdes est considérée comme le lieu où la Mère est adorée. En Suisse, la Vierge Noire est adorée par les moines dans leur monastère. En Inde, l’adoration de la Mère a été rajeunie par la venue de Sri Ramakrishna. Tout ce qui était ancien a été balayé, et la Mère brille d’une nouvelle lumière dans les foyers et les cœurs de millions de personnes. Que voulait dire Sri Ramakrishna par la Mère Kali ? Il la regardait comme le pouvoir créateur de l’univers. Elle est inséparable de Brahman. La Réalité immuable est Brahman ; quand il se manifeste comme l’univers, il est Kali. Exactement comme la couleur bleue du ciel indique son immensité, de même, le teint sombre de Kali indique l’infinitude. La Mère, le pouvoir ou l'Énergie Divine, revêt plusieurs formes et divers symboles. Divinité du Savoir, Divinité de la Richesse, Divinité de la Mort, jouant la danse de destruction, sont certains aspects sous lesquels Elle est adorée. Le mot « Kali » vient du mot bien connu kala ou le temps. Comme nous en avons tous conscience, le temps détruit tout, dévore tout. Ce pouvoir est représenté par la terreur qu'inspire Kali.

Essayons de comprendre la représentation de Kali telle qu'elle est faite dans les Ecritures et dans les images.

Kali Dakshineswar Temple
Kali Dakshineswar Temple

L'arrière-plan est un cimetière, un terrain d'incinération, ou un champ de bataille où gisent des cadavres et des corps mutilés. Elle se tient sur le corps inerte de son époux, Shiva. Tandis que Shiva est blanc, Elle est de couleur bleu sombre. Elle est complètement nue, à l'exception d'un tablier fait de mains humaines. Une guirlande de cinquante têtes ou crânes l'orne, avec sa chevelure luxuriante et en désordre. Ses trois yeux et ses quatre mains semblent singuliers. Ses deux mains gauches tiennent une tête nouvellement coupée et un sabre, son visage rouge et sa langue pendante la rendent vraiment terrifiante. Mais les deux autres mains droites symbolisant l'absence de peur et les dons, consolent ses enfants. Cette représentation tout entière est faite pour nous montrer comment la Mère crée, soutient et détruit. Le champ de bataille ou le champ de crémation, la tête coupée tenue par sa main et le sabre sont la représentation vivante de la destruction.

On dit que Dieu a créé cet univers et qu'il pénétra ensuite en lui. L'univers devient ainsi un voile (l'ignorance) qui recouvre en fait la Divinité. Quand ce voile est détruit, la Divinité seule reste. C'est pourquoi Kali, la Mère Divine, est figurée nue. Celle qui est vêtue d'espace n'a pas besoin de se vêtir comme le fait une femme ordinaire. Kali est la personnification de tamas, l'aspect de l'énergie chargé de la dispersion, qui produit un vide sans borne, engloutissant toute chose. C'est pourquoi Elle est noire. La main représente la capacité d'agir. C'est pourquoi le tablier de mains coupées peut signifier qu'Elle est si heureuse de l'offrande de nos actes et de leurs fruits, qu'Elle les porte sur son corps. La guirlande de crânes ou de têtes qu'Elle porte sont au nombre de cinquante. Elles représentent les cinquante lettres de l'alphabet sanscrit et leurs vibrations d'où est venue la création tout entière. La forme de Kali la Mère frappe de respect et de crainte. Mais Elle est aussi la créatrice et la Mère. Ainsi, Elle rassure ses enfants frappés de terreur en disant : « N'ayez pas peur ! Je suis votre propre Mère ! J'accorde tout ce que vous pouvez désirer ! »

Que dire maintenant de Shiva, qui est écrasé sous ses pieds ? Shiva est Brahman, l'Absolu, qui est au-delà de tous les noms, des formes et des activités. Cependant, il est montré gisant comme un cadavre. Kali est son Énergie. L'Énergie ou le Pouvoir n'est pas différent de Brahman. L'Énergie se manifeste seulement quand elle est fermement ancrée à sa source - soit Brahman.

C'est la signification de Kali, se tenant sur le corps de son époux et dansant sur lui. En bref, Elle est le pouvoir de Dieu sous tous ses aspects.

 

Swami Veetamohananda


PODCAST

2 novembre 2013

Pourquoi adorons nous Kali ? par Swami Veetamohananda lu par Jean Michel